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26/04/2010

La pêcherie rêveuse

 

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La pêcherie est rêveuse.

 

Voici bien des années que dressée sur ses quatre poteaux, elle affronte vents et marées.

 

Nul ne se souvient de son édification. Peut-être certains anciens de la pointe de Congrigoux en ont-ils une vague mémoire. Ces anciens qui habitaient près de la lande bordant les falaises. La lande qui alors était déserte et est aujourd’hui couverte de maisons. La lande où l’été vibraient les hannetons. La lande peuplée des cris stridents des martinets au soleil couchant.

 

Oui, quelques anciens ont vu se dresser la pêcherie sur ses quatre poteaux téléphoniques. Ils ont vu la plateforme se consolider, et la passerelle relier la pêcherie au sommet de la falaise.

 

La pêcherie depuis toutes ces années est devenue rêveuse. Du poisson, elle en a pris  dans son filet. Mais aujourd’hui il se fait rare. Les petits éperlans, les orphies moirées, les tacauds, les bars si brillants, les mulets ont déserté la côte trop bruyante à leur goût.

 

La pêcherie rêveuse regarde les vagues qui passent entre ses quatre poteaux. Toujours régulières ces vagues, parfois simples ondulations, parfois hautes, se creusant comme des grottes surmontées d’un panache d’écume.

 

-         Comme elles ont de la chance, pense la pêcherie. Les vagues courent sur la mer des jours et des jours avant d’embrasser la plage de Sainte-Marguerite et les rochers de Congrigoux. Et moi je suis là, immobile, bloquée par mes quatre poteaux cimentés entre les roches. Quel ennui !

 

La pêcherie rêveuse prit alors une décision incroyable. Elle allait partir avec les vagues et courir sur la mer loin de la côte pour éviter de se fracasser sur les rochers.

 

Elle commença par remuer son poteau avant droit. Puis l’avant gauche. Puis ses deux poteaux arrière. Et maladroitement, elle bougea. Elle était si contente et si décidée qu’aucun obstacle ne pouvait l’arrêter.

 

Elle n’avait oublié qu’une chose : le père* Schmidt et le père* Bernard qui pêchaient depuis sa plateforme. Après un instant d’hésitation, elle se dit qu’ils partiraient avec elle comme des cavaliers sur leurs chevaux. Après tout, elle avait quatre poteaux comme un cheval a quatre pattes.

 

Les quelques promeneurs du chemin de la falaise virent alors un spectacle incroyable : la pêcherie de Congrigoux bougea, puis se déplaça sur la mer, d’abord lentement puis à un bon rythme.  Le père Schmidt et le père Bernard tout à leur étonnement eurent un « oh ! » de surprise. Et puis ils se dirent qu’ils allaient découvrir du pays avec leur vieille pêcherie.

 

On ne les a jamais revus. Parfois ils envoyaient une jolie carte postale avec une mer toute bleue et des timbres multicolores. Une carte pour dire à leurs amis qu’après tant d’années d’immobilité, ils étaient heureux de courir sur la mer infinie avec leur amie la pêcherie.

 

* Dans l’Ouest de la France, et particulièrement en Loire-Atlantique où cette histoire se déroule, « père » n’a aucune connotation religieuse. Il désigne familièrement des hommes auxquels on porte de la considération. Idem pour « mère ».