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10/05/2014

Louis

C'est à Aisy-Jouy que tu es mort le 17 septembre 1918.

Dans l'Aisne, au Chemin des Dames.

De ce funèbre destin, rien ne transparaît.

Du parfum des églantines l'air embaume en ce matin de mai 2014.

Les fleurs blanches, si belles dans la lumière du printemps laonnois, nous ensorcellent.

 

 

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Le chemin est rugueux qui monte de Volvreux vers la plaine et le champ où quelques coups de mitrailleuse eurent raison de toi.

Et où, pudique, je n'ose à ce jour aller.

Plus tard.

Rien ne presse.

Tu es là depuis bientôt 100 ans et nul n'était venu se recueillir en ces lieux où tu reposes sans sépulture comme beaucoup de soldats morts au front.

Le chemin est encombré des restes des tranchées où tu fus tué.

Béton armé.

Ferrailles improbables, os délaissés sur le chemin, os d'animal ou d'homme, mêlés et peu importe. Nul ne le sait.

La guerre, la Grande, fut rude.

Et tu y mourus le 17 septembre 1918.

Demain, je prendrai le chemin du champ où tu reposes sans nom.

"Tous les cimetières communiquent" dit un de mes amis. Tu n'es pas dans un cimetière mais de savoir là où tu reposes t'en rapproche.

  

 

 

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Aizy-Jouy le 3 mai 2014 : la vallée du Sancy, Volvreux avec son bouquet d'arbres et le plateau, invisible ici. C'est probablement là, à droite sur cette photo, que Louis fut fauché. On devine le chemin qui monte vers la gauche avec ses haies d'aubépines.

 

J'ajoute à cette page deux citations :

"J'entends dans le lointain des cris prolongés de la douleur la plus poignante." In Les chants de Maldoror, Isidore Ducasse, comte de Lautréamont (1846 -1870).

"Cette ombre, mon image, qui va et vient cherchant sa vie." Ballade de moi-même, Walt Whitman (USA, 1819 - 1892)

 

 Je tiens à remercier Marc et Patrick qui m'ont accompagné dans cette exploration.

 

 

17/02/2014

Louis Bredeloux de septembre 1915 à septembre 1918

Fin septembre, début octobre 1915, les deux frères, Louis et Alfred, sont hospitalisés comme suite à leurs blessures. Fin novembre, Alfred se retrouve dans la Marne à Tahure là où Louis a été blessé le 21 septembre précédent. Ils appartiennent à la même division d’infanterie, la 21ème, et participent aux mêmes combats. Je n’ai pas d’indication quant à la date du retour de Louis sur le front  mais son régiment passe l’hiver 1915-1916 dans la zone de Tahure tout comme celui d’Alfred. Encore une fois, comme en 1915, les deux frères se retrouvent à proximité l’un de l’autre. Se sont-ils vus ? Ont-ils pu échanger ? Impossible de le savoir, mais on peut imaginer qu’ils en ont eu l’occasion. Cela demeurera cependant un mystère.

Fin avril (du 12 mars au 3 avril 1916, Alfred est malade) la 21ème division est retirée du front et part en repos à Mourmelon-le-Grand toujours dans la Marne, tout près de Tahure. La division repart au front les 3 premières semaines de mai 1916 à Vaudesincourt dans la Marne. Louis change de régiment et passe au 93ème le 22 mai 1916, toujours dans la même division.

 

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  Vaudesincourt et Mourmelon (Marne)

 

La deuxième bataille de Champagne va s’achever et celle de Verdun commence. A partir du 12 juin 1916, Louis se trouve au front dans la zone de Cote du Poivre à l’ouest de Douaumont. Après un repos du 23 juin au 15 juillet vers Bar-le-Duc, retour au front à l’est de Verdun vers Châtillon-sous-les-Côtes, Bonzée-en-Woëvre et Trésauvaux.

 

 

 

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 La zone de combats de Bonzée à l'est de Verdun

Après un court repos en novembre près de Saint-Mihiel, retour dans la bataille de Verdun à Douaumont. Les deux frères sont une nouvelle fois dans des positions rapprochées. Le 8 décembre 1916 Louis passe au 23ème régiment et change ainsi de division passant de la 21ème à la 41ème. J’ignore pourquoi ces changements à deux reprises en 1916 (en mai et en décembre).

Louis a donc rallié son nouveau régiment dans la région de Vienne-le-Château dans la Marne pas très loin du lieu où il fut blessé en septembre 1915. Selon les documents dont je dispose, Louis et Alfred n’auront plus l’occasion de se côtoyer.

 

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Vienne-le Château (Marne)

 

Mailly-le-Camp dans la Marne, repos

1917  

Du 19 janvier au 12 mai, combats dans la zone de Loivre et Berméricourt au nord de Reims (Deuxième bataille de l’Aisne). C’est dans le régiment de Louis, entre autres, qu’auront lieu plusieurs mutineries. Le 17 avril, 17 hommes abandonnent leur poste devant l’ennemi et se dispersent dans les bois avant l’attaque de la position du Mont Téton (237 m) près de Moronvilliers à l’est de Reims. 13 condamnations à mort sont prononcées suivies de 12 grâces.

Louis n’a pas participé, semble-t-il, à ce mouvement puisqu’il est cité le  9 mai 1917 à l’ordre de son régiment : « Sous-officier brave et dévoué, a montré du calme et du sang-froid en conduisant son équipe de grenadiers à l’attaque d’une position ennemie fortement défendue. »

Du 12 mai au 3 juin, retrait du front, repos vers Damery, et, à partir du 24 mai, au camp de Ville- en-Tardenois.  Le 1er juin, une manifestation commence dans les baraquements du 23ème RI. Les hommes réclament du repos, refusent de remonter aux tranchées, ne font plus confiance aux généraux. Les manifestants gagnent Ville-en-Tardenois où ils défilent en chantant l’internationale et en arborant un drapeau rouge en tête de cortège. Les mutins se regroupent devant la mairie. Le général Bolot est entouré par les manifestants, reçoit des pierres tandis que ses étoiles et sa fourragère sont arrachées. C’est la première fois qu’un officier supérieur est molesté. Le général Mignot sauve la situation grâce à des concessions.

Le lendemain 2 juin vers 18h, toujours à Ville-en-Tardenois, une nouvelle manifestation s’organise forte de plus de 2000 hommes et se termine vers 22h. Devant cette agitation, le 23ème RI, et le 120ème régiment qui s’était joint au premier, sont emmenés en camions. Des incidents sporadiques se produisent les jours suivants.

Des soldats sont traduits en conseil de guerre : 5 condamnations à mort suivies d’exécution et 13 condamnations aux travaux forcés. (D’après Les mutineries de 1917, Guy Pedroncini, PUF. Je note que ces chiffres sont fluctuants selon les sources. S’agit-il de chiffres agrégés pour l’ensemble de la division ? Les archives des procès ont disparu, semble-t-il.). Ces mutineries ne sont pas citées dans les archives du 23ème RI.

 

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 Ville-en-Tardenois (Marne) où eut lieu la mutinerie de juin 1917

Du 3 au 18 juin, après le transport par camions dans la région de Châlons-sur-Marne, repos et instruction vers Coupéville. 

A nouveau sur le front vers Tahure du 18 juin au 16 septembre. Puis du 16 septembre au 6 octobre, retrait du front et repos vers Saint-Germain-la-Ville et Pogny. Louis est promu adjudant 4 octobre 1917.

A partir du 6 octobre, transport par camions dans la région de Condé-en-Barrois, puis, le 15 octobre, dans celle de Verdun pour occuper un secteur vers la ferme Mormont et la Côte 344. 

Repos du 21 novembre au 29 décembre dans la région de Joinville-en-Vallage dans la Haute-Marne.  

1918  

De janvier à avril, occupation d’un secteur entre le Sânon et à Bezange-la- Grande à l’est de Nancy dans la Meurthe-et-Moselle. 

Après un repos vers Toul, transport par voie ferrée vers Bergues près de Dunkerque (Nord). Le 23ème RI est engagé à partir du 16 mai dans la Troisième bataille des Flandres. 

Du 1er au 29 juin, retrait du front et repos vers Saint-Pol-sur-Mer. A partir du 7 juin, transport par camions vers Cassel ; repos et travaux de deuxième position.  Louis est promu sous-lieutenant le 13 juin 1918. Du 29 juin au 8 juillet : Occupation d’un secteur vers Bailleul (Nord) à Koutkot et Fontaine-Houck. 

Le 8 juillet, retrait du front (relève par l’armée britannique) et repos vers Cassel (Nord). A partir du 10 juillet, transport par V.F (voie ferrée)  dans la région de Senlis et repos jusqu’au 17 juillet.

Du 17 juillet au 8 août, le 23ème RI est engagé dans Deuxième bataille de la Marne. Depuis  la forêt de Villers-Cotterêts, offensive, depuis la Savières vers la rivière Vesle, par Oulchy-le-Château (25 juillet) et Saponay. Louis est légèrement blessé le 19 juillet d’une plaie au cuir chevelu provoquée par des éclats d’obus. Cité à l’ordre de son régiment pour la troisième fois : « Officier d’un sang-froid et d’un courage remarquable. Le 19 juillet 1918 a enlevé sa section à l’assaut du plateau dominant Chouy s’emparant de deux mitrailleuses et faisant prisonnier le personnel. Légèrement blessé à la tête d’un éclat d’obus. Deux citations. Deux blessures antérieures ».

 

 

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 Chouy (Aisne) où Louis fut blessé

 

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Troisième citation de Louis (le texte en est reproduit plus haut)

 

Du 8 au 24 août : retrait du front et transport par camions à Étrépilly près de Meaux, repos. 

A partir du 25 août, au Chemin des Dames, progression par Cuffies, jusque vers Laffaux. 

Après un nouveau repos du 5 au 15 septembre vers Soissons,  Louis est engagé avec son régiment dans la poussée vers la position Hindenburg à l’ouest de Vailly puis au nord de Vailly. C’est là qu’il est tué le 17 septembre 1918 sur la commune d’Aizy-Jouy au bois de Volvreux.

Il est une quatrième et dernière fois cité à l’ordre de son régiment le 11 octobre 1918 : « Officier d’un courage exemplaire faisant l’admiration de ses hommes. A la tête de sa section s’est emparé d’une tranchée ennemie défendue par trois barricades successives. A été mortellement atteint par une balle de mitrailleuse en plein cœur après avoir, à trente mètres du boche, mis en batterie un fusil mitrailleur qui prenait la tranchée d’enfilade. » « 3 blessures et 3 citations » (antérieures). Croix de guerre. Chevalier de la Légion d’Honneur.

Louis n'a pas de sépulture, ni militaire, ni civile. Le service chargé des cimetières militaires explique que probablement : "L'intéressé est inhumé comme inconnu, car on n'a pas pu l'identifier au moment où son corps a été relevé (cela a pu se produire même si des camarades d'unité ont assisté au décès, car les soldats tombés au combat ne pouvaient pas être transportés immédiatement)."

Alfred a quitté le chemin des Dames depuis le début de l’année 1918. Il est probablement à Pau au moment du décès de son frère, en stage de Haute-École d’aviation.

 

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Aizy-Jouy (Aisne) et le bois de Volvreux où Louis fut tué

 Sources :

Registre matricule de Louis Bredeloux

Histoire des régiments sur Wikipédia

Le site internet chtimiste

 

 

01/02/2014

La campagne militaire d'Alfred Bredeloux

 

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Vous pouvez lire ci-dessus un document rédigé par mon grand-père maternel dans lequel il décrit ce que fut son parcours militaire de 1914 à 1918 en tant "qu'engagé volontaire" comme il le précise.

Les phrases soulignées correspondent à des précisions apportées par M. Denis Albin que j'ai contacté grâce à son site consacré à l'escadrille des Cigognes. J'ai par ailleurs récemment retrouvé la citation à l'ordre du régiment de décembre 1916. Il faut noter que mon grand-père Alfred a passé sous silence toutes les périodes pendant lesquelles il est malade, mis à part sa blessure de juin 1915 (qui n'est pas une maladie). Il est porté malade pendant 6 mois environ, au total. Il y a par ailleurs un flottement dans les dates entre son départ de Chemin des Dames et son intégration dans l'armée de l'air. Peut-être lui-même a-t-il mélangé les dates en rédigeant son document.

Originaire de Loire-Atlantique (dite "Inférieure" à l'époque), il passa tout d'abord quelques mois à Ancenis (Loire-Atlantique) dans la caserne de son régiment, le 64ème d'infanterie. Il part pour le front en décembre 1914 et se retrouve à Albert dans la Somme. Début 1915, il "prend" les tranchées, comme il l'écrit, à La Boisselle près d'Albert. Il se trouve ensuite en avant de Mailly-Maillet (Somme) dans le secteur de la ferme de Lassigny et de l'Arbre en boule sur la commune d'Hébuterne.

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J'indique sur la carte ci-dessus où se trouvent La Boisselle, Mailly-Maillet et Hébuterne. C'est à Hébuterne qu'Alfred est blessé à la cuisse droite par des éclats d'obus le 12 juin 1915 et transporté vers un hôpital militaire de Brest, loin du front. Une fois remis sur pieds, il retrouve la caserne de son régiment à Ancenis en octobre 1915 avant de gagner le département de la Marne où il combat à Saint-Jean-sur-Tourbe, Somme-Suippe, Somme-Tourbe et Tahure. Il est porté malade le 12 mars 1916 et hospitalisé jusqu'au 3 avril 1916 pour fièvre. On se reportera à la carte ci-dessous pour localiser ces communes qui se trouvent au nord de Châlons-en-Champagne et à l'est de Reims.  

 

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En 1916, il "part en tranchées", comme il l'écrit, dans le secteur de Verdun devant le fort de Vaux, à Douaumont, aux Quatre-Cheminées et à la côte Poivre. Il est nommé caporal le 1er juillet 1916. Le 5 décembre 1916, il bénéficie d'une citation à l'ordre du régiment.

 

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 "A fait preuve de sang froid et de bravoure en allant lui-même réparer sous le bombardement les lignes téléphoniques fréquemment coupées."

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Comme on peut le lire au verso du document rédigé par Alfred, il combat en 1917 dans le Soissonnais, au fort de Malmaison, Chemin des Dames. C'est tout près de là, à Volvreux, que son frère Louis trouvera la mort en septembre 1918.

Il est porté malade le 21 février 1917 et en soins et en convalescence jusqu'au 15 mars 1917. Il est à nouveau porté malade le 1er avril 1917 (atteint de la gale) et en soins et en convalescence jusqu'au 20 juillet 1917. 
 

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Il écrit qu'il quitte cette zone du Chemin des Dames en décembre 1917. Mais on le retrouve seulement le 11 mars 1918 dans l'aéronautique militaire comme pilote du 1er groupe d'aviation.

13/01/2014

1914

Je vous souhaite à tous, fidèles lecteurs, une excellente année 2014. Je ne fus pas très prolixe en 2013. J'espère que cette année je pourrai vous soumettre des nouveautés régulièrement.

Les plus observateurs auront remarqué le titre de cette publication, 1914. Il ne s'agit pas d'une erreur de ma part. Au cours de cette année 2014 qui marque le centenaire de la première guerre mondiale, je vais vous présenter deux membres de ma famille qui ont été mobilisés à cette occasion. Et quel fut leur itinéraire pendant ces quatre années.

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Mon grand-père maternel Alfred Bredeloux qui  a combattu sur les fronts de la Somme, à Verdun et au Chemin des Dames avant de s'engager dans l'aviation. Alfred est décédé au début des années 1970.

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Et son frère, Louis Bredeloux, sous-lieutenant, décédé au Chemin des Dames le 17 septembre 1918. Il avait été auparavant blessé et avait regagné le front après un séjour dans un hôpital militaire.

Je donnerai des informations sur ce que fut le parcours de ces deux hommes au fur et à mesure que je les collecterai. J'en possède quelques-unes au sujet de mon grand-père Alfred. Mais concernant Louis, je dois effectuer des recherches. Personne dans ma famille n'a su me dire où il est enterré. Il semble que ce sujet n'ait même jamais été abordé par son frère Alfred et ses proches. Les anciens combattants de 14-18 parlaient peu de ce qu'ils avaient vécu.

Je souhaite ainsi honorer la mémoire de ces deux hommes et la sauver d'un oubli total. Ils ne furent ni l'un ni l'autre des héros. Mais ils ont comme tant d'autres, des millions, sacrifié leur vie ou quatre année de leur vie pour leur pays. Mon grand-père Alfred était sur ce sujet d'une modestie totale : il ne m'a jamais parlé de ses années de combat qu'il voulait peut-être lui-même oublier ou occulter. Quand j'ai étudié la première guerre mondiale durant mon année de terminale, je n'ai pas eu l'idée de lui demander de me faire part de son expérience. Je n'ai jamais fait le rapprochement entre les événements historiques que le professeur d'histoire me présentait et que je devais mémoriser et l'expérience vécue par mon grand-père. Le professeur n'a jamais eu l'idée d'inviter un ancien combattant pour nous décrire ce que furent ces quatre années pour lui.

Mon cas est loin d'être unique, je le sais parfaitement. Nous sommes très nombreux à avoir eu des membres de nos famille engagés en 14-18. Grâce à mon blog, je souhaite sortir de l'ombre ce grand-père que j'ai bien connu et son frère dont il n'était que très rarement question.