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10/05/2014

Martinets

Nous sommes le 10 mai 2014. Et ce matin, en rejoignant l’avenue du Général Leclerc, j’ai reconnu leur cri.

 

J’ai cru tout d’abord qu’il s’agissait d’un de ces multiples bruits de la ville. Des crissements de freinage, des sonneries de téléphone portable, des gloussements de perruches humaines (elles sont nombreuses à Paris), des stridences de disputes mâles… Mais non.

 

En levant mon regard vers le ciel, je les ai vus. Déchaînés comme à leur habitude. Depuis que je les connais, et cela remonte aux années 1950, ils sont déchaînés. Indomptables, prompts aux figures les plus acrobatiques. Aviateurs des temps immémoriaux, ils rayent le ciel avant de disparaître dans les lointains. Nos martinets étaient de retour.

 

Ils étaient là. Caravelles du ciel. Volant très haut selon leur habitude, à peine visibles pour nous pauvres terriens, mais trop bas pour les insectes qui descendent vers le sol quand la pression diminue et qu’il pleut, et qu'ils deviennent pour eux des proies faciles.

 

Martinets. Vous annoncez l’été. Et soyez-en remerciés.

16:17 Écrit par Jean Julien dans Écouter, regarder, écrire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : martinets, paris, 14ème |

31/03/2014

Paris et la bicyclette

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"A Paris, le vélo s'enracine."

Seul commentaire pour ce cliché pris dans l'enceinte de la Cité internationale universitaire de Paris, près de la maison de l'Arménie.  

 

31/03/2012

Kotoko au mariage du Mogho Naba

 

Kotoko n’en croit pas ses yeux. Ses deux petits yeux qui dépassent à peine du sac dans lequel Wango l’a caché pour qu’il puisse assister au mariage du Mogho Naba, le roi des Mossis.

Le Mogho Naba n’est plus tout jeune. Ses cheveux blancs et sa barbe de la même couleur montrent qu’il a vécu bien des années. Son grand boubou rouge lui donne une très belle allure. Dans sa main droite il tient fermement le bâton du pouvoir, celui qui montre à tous les Mossis qu’il est le chef et que personne ne peut le contredire. 

 

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Le Mogho Naba en tenue d'apparat

 

Près du roi, deux enfants dansent pour accueillir la nouvelle et jeune femme du roi. Elle arrive, parée de ses plus beaux bijoux et de sa plus jolie robe. Deux flèches dans sa main droite, piques tournées vers le sol, montrent à toute la cour qu’elle apporte la paix. Les guerres entre sa famille et celle du Mogho Naba sont terminées. Désormais l’entente règnera entres les deux clans.

 

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La marièe

 

Les scènes de violence auxquelles le Mogho Naba rêve encore ne sont plus qu’un mauvais souvenir…

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Le Mogho Naba rêve des guerres passées

 

Kotoko n’aurait jamais compris tout cela si Wango, qui connaît parfaitement l’histoire des Mossis, ne le lui avait pas expliqué. Kotoko a fort envie de se dégourdir les pattes et de sortir de son sac. Mais aussitôt qu’il remue un peu trop, Wango lui montre le crocodile qu’un jeune page apporte en cadeau au roi. Et Kotoko a peur de se faire dévorer par cet animal vorace.   

 

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L'enfant au crocodile

 

Wango veille sur Kotoko comme sait le faire un bon père de famille. Pour épargner à notre hérisson un trop long séjour dans le sac de toile où il commence à avoir très chaud, Wango décide de rentrer à Ouagadougou. Voici nos deux amis installés sur la charrette que tire l’âne appelé « L’âne ». Le soleil frappe si durement la piste poussiéreuse qu'après quelques kilomètres, les deux passagers s’endorment. Heureusement que « L’âne » connaît la route et conduit la charrette vers Ouagadougou sans trop s’arrêter. Cependant et comme son maître fait la sieste, "L'âne" en profite pour brouter, de temps en temps, une bonne touffe d’herbe qui lui rafraîchit l’estomac.

C’est ainsi que Kotoko se retrouve dans la capitale du Burkina-Faso et va pouvoir reprendre son voyage vers le Ghana.

 

Photographies (détails) de la tapisserie de Roger Bezombes, résidence Lucien Paye, Cité universitaire internationale, Paris

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04/02/2012

La marquise prend du repos

A Paris, 25 mai 1681

 

Ma toute bonne,

 

Je ne vous parlerai point ce jour des embarras de Paris ou de la saleté extrême de ses rues ou des dangers qu’on y court en permanence comme celui de se faire détrousser ou celui de recevoir un pot de chambre sur la tête. Heureusement pour moi, je ne vais point à pied. Je parcours les rues de la capitale dans ma voiture ou dans une chaise à porteurs, quelque peu à l’abri des odeurs que dégage l’infâme cloaque parisien avec les chaleurs qui arrivent.

Ce qui retient ma plume en ce jour où l’orage menace et où j’ai décidé de rester en ma demeure au repos, ce sont les encombrants et les encombrés de Paris. Je ne radote pas ma toute bonne. Je suis certaine que vous le pensez à la lecture de ces lignes. Ces encombrants et ces encombrés, ce ne sont point ces vieux meubles ou ces guimbardes hors d’âge qu’enlèvent les services de notre échevin, surnommé je ne sais trop pourquoi Notre-Dame-de-Paris, pour les brûler sur la place de Grève ou les jeter dans la Seine.

Non, ma chère, ces encombrants sont ces personnes qui bloquent la circulation en se posant au milieu de la chaussée. Comme si elles étaient seules au monde, indifférentes aux cris et aux menaces qui les entourent. Elles sont là, immobiles comme des pierres encore mal équarries, comme des colis oubliés. Isolées dans leur monde, prisonnières de leur âme, ou ivres d’alcool, ou malades. Elles s’approprient les quelques arpents qu’elles occupent et oublient le reste de l’humanité.

Les encombrés ne bloquent pas le  passage. Au contraire, ils avalent des distances phénoménales chargés de toutes sortes de sacs qui les font ressembler à des ânes bâtés. Et si par malheur vous les croisez, soyez certaine, ma toute bonne, qu’ils vous enverront d’un coup leur bât à la figure. Imaginez quel calvaire infligent ces baudets à leurs voisins dans les pataches ou dans les coches d’eau sur la Seine. Ma position, grâce à Dieu, m’épargne ce genre de transports. Mais les infortunés qui sont contraints de les emprunter, sont malmenés par ces maudits sacs. Leurs propriétaires, se tortillant sans cesse sur leur siège comme des vers, prennent un malin plaisir à coincer un bagage contre l’estomac de leur voisin ou à placer un panier malodorant sous son nez. Ah ! Comme je plains ceux que Dieu a fait naître dans une condition si basse qu’ils doivent supporter de tels désagréments ! Et je vous épargne la promiscuité, les odeurs douteuses et les bavardages incessants !

Pardonnez-moi ce récit fort peu ragoûtant. J’ai pensé que vous, qui vivez dans une province calme et reculée, seriez  piquée par ces scènes auxquelles vous avez échappé.

Je vous laisse. J’entends la Ventière qui arrive. Je suis fort aise de pouvoir deviser avec lui.  « Passez-moi la rhubarbe et je vous passerai le séné » me dit-il en poussant la porte de mon salon. Jean m’assure qu’il s’agit de la dernière expression à la mode à Versailles où le jeu des concessions et l’échange de complaisances sont plus répandus que l’honnêteté. J’en parlerai au duc de Saint-Simon que je verrai bientôt en son château de La Ferté-Vidame*. Je dois en effet me rendre aux Rochers** pour affaires et ferai une halte chez mon ami le duc.

Je vous embrasse comme je vous aime, de tout mon cœur.

 

*Entre Dreux et Alençon

**Propriété de la marquise de Sévigné près de Vitré (Ille-et-Vilaine)

 

 

 

25/01/2012

La Sévigné sur les rives de la Bièvre

 A Paris ce 20 mai 1681

 

Ma toute bonne,                                                                         

 

La Ventière vient de me transporter au bout du monde, dans un lieu que l’esprit le plus fertile n’aurait point imaginé. Il arriva de bon matin avec une voiture légère à laquelle notre bonne jument Nyctalope était attelée.

-        Marquise, me dit-il, en ce magnifique jour de mai  je vous propose de sortir de Paris et de filer bon train vers la rive gauche de la Seine qui ne vous est point très familière. J’ai une surprise pour vous !

Et fouette, cocher ! A peine étais-je remise de mon étonnement que Nyctalope et notre équipage s’engageaient place Royale* après avoir quitté en trombe la cour pavée de mon hôtel de Carnavalet. Décidément cette Nyctalope a du tempérament. Il est vrai que le cocher du marquis de Rambuteau qui conduisait l’attelage me semblait bien pris de boisson et que nous négociions les tournants sur les chapeaux de roues. Les fers de nos roues laissaient jaillir des étincelles contre les bornes qui protègent les porches…

A peine quittée la place Royale, nous débouchâmes sur le pont Marie et traversâmes au grand trot l’Isle Saint-Louis avant de nous engager sur le pont de la Tournelle. Nous aurions pu nous diriger vers Notre-Dame et gagner la rive gauche de la Seine par le Petit-Châtelet. Mais sa sinistre réputation fit que La Ventière m’en épargna la vue. Cette prison est aussi effrayante que les malfaiteurs qu’elle renferme.  Nous laissâmes la Porte Saint-Bernard à notre main gauche pour nous engager dans le chemin qui longe le collège du cardinal Le Moyne**.  Vers l’église Saint-Médard, nous atteignîmes le but de notre cavalcade, la Bièvre. Je ne sais trop si vous avez ouï dire de cette rivière qui serpente mollement dans les faubourgs du sud de notre capitale. Son eau alimente les nombreuses fermes qui la bordent et permet aux tanneurs de pratiquer leur pestilentielle activité. Nous dépassâmes Les Gobelins où sa majesté a créé une manufacture de tapisseries de haute lisse dont la renommée dépasse nos frontières.

 

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Le château de la reine Blanche, 13ème arrondissement de Paris

Nous laissâmes derrière nous le château de la Reine Blanche*** et son huilerie aussi vite que le vent d’orage chasse les nuages. La Ventière devant mon étonnement m’expliqua que ce lieu empuantait l’air et que nous allions nous engager dans  un vilain chemin vers le moulin de Coulebarbe dont la roue tourne au gré du courant de la Bièvre. A quelques arpents de là, une petite île au milieu de la rivière était occupée par les potagers des ouvriers des Gobelins. Quelle ne fut point ma surprise quand je perçus des cris affreux. A me crever les tympans ! Jamais mes oreilles n’avaient ouï pareil son. Je croyais à quelque présence diabolique en ces lieux reculés quand j’aperçus deux petits yeux malins qui me dévisageaient…

-        Des singes, ce sont des singes qui aboient ainsi… s’exclama La Ventière. J’en ai vu chez les barbares dans le nord de l’Afrique… Regardez, marquise,  ils sautent sur le toit de notre voiture…

Alors ma toute bonne, ce fut une belle cavalcade. Les bateleurs qui laissent ici leurs singes en liberté se précipitèrent pour rameuter leur chienlit. Jamais pareille troupe n'a aussi bien mérité ce nom. Ces animaux, qui nous ressemblent fort, sont d’une saleté repoussante.  Ils commençaient à jeter leurs chiures sur notre belle Nyctalope qui en était courroucée…

Nous nous enfuîmes et à quelques encablures, le but de notre périple était atteint : la Glacière. La bien nommée. En descendant de notre voiture,  je découvris avec La Ventière une petite grotte dont l’issue était bien scellée et que La Ventière fit prestement ouvrir par un manant. Enveloppés dans des tonnes de toile de jute, des pains de glace recueillis l’hiver précédent dans la Bièvre attendaient le chaland. Nous en baillâmes quelques-uns pour l’office. Notre bonne cuisinière saura  préparer des sorbets et peut-être des crèmes… Quel délice !

Avant de reprendre le chemin de la place royale, nous aperçûmes quelques castors, des bièvres comme les appellent  les paysans, qui prenaient le soleil… Jamais je n’avais vu autant d’animaux étranges en si peu d’espace et de temps.

J’espère que toutes ces visions animales ne vont point perturber mes rêves. Je clos cette lettre en vous embrassant sur les deux joues avec tout l’amour que vous savez.

 

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Les arrières des Gobelins, rue Berbier du Mets, Paris 13ème, sous laquelle coule la Bièvre...

 

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La Bièvre, fin XIXème, avant qu'elle ne fût enterrée

 

*Actuellement place des Vosges

** Rue du cardinal Lemoine dans le 5ème arrondissement de Paris

*** rue Gustave Geffroy, 13ème

 

05/01/2012

2012

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Marie de Rabutin-Chantal, marquise de Sévigné (1626-1696), vers 1665

Sans signature, Paris

 

Pour aborder 2012 sous de bons auspices et pour accompagner mes voeux, le portrait de mon inspiratrice que vous pouvez contempler au musée Carnavalet - Histoire de Paris.  (Ma toute) bonne année à tous !

12:03 Écrit par Jean Julien dans Lettres de la marquise de Sévigné | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : sevigne, paris, carnavalet |

28/12/2011

La marquise de Sévigné à Paris

 

A Paris en ce 15 mai 1681

Ma toute bonne,

Ma joie est grande d’être en repos depuis deux semaines. Toutes ces lieues parcourues par monts et par vaux m’avaient harassée et j’étais fourbue comme une vieille jument qui aurait trop tiré la charrue. L’air de Paris en ce joli mois de mai me convient. L’hôtel de Carnavalet est  bien paisible. Mes amis passent deviser et me rapportent les derniers bruits de la cour qui s’agite à Versailles, loin d’ici. Les maîtresses de sa Majesté, les frasques de Monsieur, le frère du roi, bref tout ce tintoin qui me fatigue les oreilles mais qui doit parvenir jusqu’à moi si je ne veux pas mourir idiote et paraître ridicule auprès de mes visiteurs. Il me faut tenir mon rang. Détenir la dernière rumeur me confère une auréole, qui n’est certes pas de sainteté, mais qui élève mon statut. Il me plaît parfois de lancer moi-même ces rumeurs, par défi, pour suivre leur vie et examiner sous quelle forme modifiée elles me parviendront en retour. La Ventière prend un grand plaisir à pister ces petites et modestes comètes dont la trajectoire transforme la voilure.  

Mais je m’égare, ma plume va comme une étourdie*. Soyez rassurée, vous ma fille si honnête, je ne sombre jamais dans la médisance. Ma pudeur me l’interdit et notre religion la proscrit. Je ne peux cependant pas m’empêcher de vous relater ce qui fit éclater de rire tout ce qui compte en la capitale. La Ventière s’en fut à Versailles voici quelques jours pour rendre compte de son périple polonais et faire état au roi des relations du royaume de France avec Venise. Je ne suis pas au fait de ces secrets d’État et me garde bien d’interroger Jean à ce sujet. Quand il revint de la cour, il me rapporta que Versailles est en perpétuel chantier et que les courtisans éprouvent maintes difficultés à se loger. Certains s’entassent dans quelques pièces mansardées au mépris de leur rang et du confort que leur sang devrait leur réserver. Ils préfèrent laisser leurs châteaux vides, livrés aux rats et aux araignées, que de se tenir loin du Roi et des faveurs qu’il peut leur octroyer. C’est ainsi.

La Ventière revint donc de Versailles fort excité par une altercation dont il fut le témoin dans la grande galerie des glaces où les miroirs magnifient la lumière en la multipliant  et où tout à chacun peut contempler sa propre fatuité. Deux petits marquis, de basse extraction mais de grand caquet,  piaillaient comme deux poules en train de pondre. Un rassemblement s’opéra rapidement autour des deux courtisans. Il s’avéra que l’un des deux avait traité l’autre de « belaou ». « Belaou, belaou ! Mais pourquoi me traitez-vous ainsi, jeune impudent » disait le plus âgé au plus jeune. « Oui, belaou ! Et je pèse mon mot. » rétorqua le benjamin. Les curieux assemblés ne comprenaient pas qu’on puisse se plonger dans un tel état pour un mot dont le sens leur échappait totalement. La Ventière qui a, comme vous le savez ma toute bonne, sillonné le monde, éclata d’un rire inextinguible. « Belaou ! » Il n’avait pas entendu cet adjectif depuis bien longtemps. Depuis une traversée entre Marseille et Tunis sur une galère du Roi où sévissait une engeance de chiourme aussi cosmopolite que la cargaison des animaux de Noé sur son arche. Parmi eux quelques barbares raflés sur les côtes de l’Afrique du Nord. Qui s’exprimaient selon La Ventière dans un arabe mâtiné de berbère. C’est sur cette galère qu’il avait entendu les rameurs de la chiourme s’invectiver avec ce « belaou ». En s’approchant de l’un d’eux, qui semblait moins sauvage que les autres, il lui demanda ce que ce mot étrange signifiait. Le barbare, ne parlant pas un traître mot de notre langue, fit avec sa main droite fermée un signe arrondi autour de son nez. « Ivre, saoul ! »  comprit la Ventière. Et les deux petits marquis utilisaient à leur tour cet adjectif qui avait voyagé jusqu’à la cour on se demande comment. « Messieurs, messieurs, du calme ! » dit Jean. « Vous seuls connaissez le sens de « belaou ». L’avez-vous entendu ce mot du côté de Marseille ou de Toulon ? ». « Oui, répondit le benjamin. Sur les quais de Toulon où quelques galériens pris de boisson se battaient. » « Alors, brisons-là ! Il n’y a point d’offense quand le mot et la chose qu’il désigne ne sont point assemblés dans l’esprit des auditeurs. Si je dis : « Bela fou mouk, chouya ! » Personne ne me contredira.  Alors que ces quelques mots sont fort impertinents en tunisien. Brisons-là messieurs. Ce ne sont qu’enfantillages indignes de votre rang. »

Les deux compères partirent en riant vers le grand salon d’Hercule où quelques tables de jeux avaient été disposées. La Ventière avait apaisé cette querelle naissante qui l’avait fort diverti et qu’il me conta par le menu. Il en profita pour m’informer d’une nouvelle ambassade que le Roi lui avait confiée. A Tunis, ma toute bonne. Sur la côte des barbares ! Il en est ravi car il aime l’aventure. Je le suis moins car il me propose de l’accompagner… Non pas que sa compagnie m’ennuie bien au contraire. Mais traverser la Méditerranée ! A mon âge ! Nous verrons. Je termine cette missive au plus vite pour ne point rater la poste de Provence.

 

Je vous embrasse comme je vous aime, tendrement.

 

 

 

*Formule empruntée à la vraie marquise…

 

05/12/2011

La Sévigné est de retour à Paris

Paris le 1er du mois de mai 1681

 

Ma toute bonne,

Après des mois par monts et par vaux,  je suis enfin de retour chez moi. Le portail de l’hôtel de Carnavalet s’est refermé sur mon carrosse. Les vieux pavés de la cour ont résonné familièrement sous le pas des chevaux et les roues de la voiture. Je suis fort aise de retrouver mes pavés et mes planchers et mon Paris bien-aimé.  Je retrouve cette ville comme un marcheur retrouve ses vieux chaussons après un long parcours : avec le temps ils ont pris la forme de ses pieds. Tout ici m’est connu, de la couleur du ciel au tohubohu des rues, du parfum de lavande de ma chambre aux appels des colporteurs.

Il ne manque que vous. Mais mon séjour à Grignan m’a permis de me gorger de votre présence et mon cœur est plein de votre sourire. Comme vous vous en souvenez, avant que je n’entreprenne le long périple de Grignan à Paris, votre époux me conduisit à Balaruc sur l’étang de Thau pour y soulager mes douleurs. Les eaux chaudes qui sourdent dans ce hameau me furent bénéfiques mais on m’a dit que les eaux d’un petit village du Haut-Languedoc, Lamalou,  je crois, sont plus efficaces encore. Monsieur de Grignan, qui ne recule devant aucun obstacle, décida de me conduire dans ce recoin par des chemins aussi sinueux que vertigineux. Au milieu des vignes, dans la vallée du Bitoulet, un torrent à sec les trois-quarts de l’année, entouré de hautes montagnes, le village de Lamalou ne compte guère que trois ou quatre bâtisses mais ses eaux, où le fer et sa couleur rouge dominent, ont eu le don d’apaiser mes articulations. Je ne vous écrirai point que je pourrais danser la gigue comme une jeunesse, mais enfin j’ai retrouvé quelque souplesse.

A Paris, mon temps est bien rempli depuis mon retour. A peine descendue de ma voiture, à peine avais-je salué mes gens que déjà mon salon bruissait de mille bavardages tant mes proches et mes amis étaient impatients de me saluer et d’entendre le récit de mon long voyage à travers l’Europe. J’étais moi-même tout émoustillée à l’idée d’entendre les mille et une petites anecdotes survenues en mon absence. Le comte Christophe de Rambuteau et le prince Frylvera de Cotonou ne furent pas les derniers à gravir les marches de mon perron. Ils étaient précédés par le charmant petit attelage de leurs deux chiens conduit par un jeune valet très expert en la matière. Les deux chiens, très bas sur terre, adorent leurs maîtres et imaginent mille cajoleries pour les séduire. Rambuteau et Cotonou avaient cependant l’esprit ailleurs et après les formules d’usage demandèrent à voir Nyctalope, la jument autrichienne que je leur avais promise. Ils me proposèrent de l’atteler, malgré les fatigues qu’elle venait d’endurer, et de nous rendre en l’hôtel d’Issoire chez Jean de la Ventière et Dewenrel de la Haute-Volta. L’idée me sembla saugrenue car je n’avais guère envie de traverser Paris alors que je venais de terminer un périple de mille lieues. Ils insistèrent et nous nous présentâmes au portail de l’hôtel d’Issoire près duquel quelques pèlerins se reposaient avant de reprendre le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle vers Orléans.

Il régnait une étrange atmosphère dans la cour de l’hôtel de La Ventière. Un calme inhabituel. Un silence hors de commun. Je pensai que les maîtres de ce lieu vaquaient à leurs travaux et  avaient exigé de leur personnel qu’il fût coi. Quelque peu intriguée, je pénétrai dans le vestibule et entrepris de gravir le magnifique escalier d’apparat jusqu’aux salons du premier, suivie par Rambuteau et Cotonou. Le silence qui régnait dans la cour s’était répandu dans l’escalier et dans le premier salon que je traversai. La double porte du grand salon étant fermée, j’attendis par politesse qu’on vînt m’ouvrir. Lorsque les deux battants s’écartèrent, je crus tomber sur mes genoux…

Ce malicieux La Ventière, qui avait regagné Paris directement depuis Grignan appelé par ses affaires diplomatiques,  et son délicieux ami Dewenrel avaient rassemblé mes amis les plus proches dans le plus grand des secrets pour que la surprise me fût entière. Les comtesses Odile et Nicole de Colombes, Patrick d’Epernay, le prince Bounkiet et Yan Tranströmer de La Bazouge, un prince du royaume de Suède installé en Basse-Bretagne, le comte Christophe de Saint-Denis,  le marquis Bernard de Nantes et Christophe de Bourbon, les fidèles, les jeunes et délicieuses Laura de Bretteville et Julie de Bonnes Aires dont le charme lumineux éclaira le salon de mes hôtes. Toute cette assistance rassemblée me ravit le cœur et après les embrassades, nous entamâmes un long concert au cours duquel chacun put conter ce qu’il avait à conter… En quelques heures je savais quels événements avaient marqué Paris en mon absence. Je pouvais sentir quel air le temps prenait.

Mais, dans le même mouvement, tous les paysages que j’avais contemplés de Paris à Varsovie, de Cracovie à Venise, de Turin à Grignan, tous les visages que j’avais croisés, rôdaient devant mes yeux. Le voyage nous change. Il nous change à proportion de sa longueur.  Je vous dirai pourtant qu’il me semble indispensable au bien-être de notre âme. J’écoute celles et ceux qui craignent de quitter leur foyer. Ils ne savent cependant pas de quels bienfaits ils se privent. Et qu’ils ne mettent pas en avant des questions de temps ou d’argent pour justifier leur immobilité. Songez à ces pèlerins de Compostelle. Croyez-vous qu’ils ont un Louis en poche. Et néanmoins ils vont par les chemins et ouvrent leurs yeux et leur cervelle au monde nouveau qu’ils découvrent. N’ayons pas peur. Ouvrons les yeux.

Cette songerie ne m’empêcha point de savourer la douceur de ces retrouvailles, douceur qui n’est pas l’un des moindres plaisirs du voyage.

Nous quittâmes l’hôtel d’Issoire alors que la nuit enveloppait la ville. La courageuse jument  Nyctalope nous conduisit rapidement dans le Marais où je fus fort aise de retrouver ma chambre et de sombrer sans hésitation dans les bras de Morphée.

Je vous embrasse comme je vous aime de tout mon cœur.   

16:25 Écrit par Jean Julien dans Lettres de la marquise de Sévigné | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : paris, voyages, retour |

14/08/2011

Le train disparu

Quand Kotoko se réveilla sous les grands arbres du parc Montsouris, il crut avoir rêvé qu’un train était passé sous le parc pendant la nuit. Il se souvenait du bruit haletant de la locomotive à vapeur et du grincement des wagons qu’elle tirait.

Pour tirer au clair ce vague souvenir, Kotoko décida d’explorer les allées du grand parc, de se faufiler sous les arbres à la recherche du train mystérieux. Soudain, il découvrit un tunnel qui débouchait sur une profonde tranchée.  Les versants de la tranchée étaient envahis par de petits et de grands arbres qui encombraient le passage. Mais Kotoko, grâce à sa petite taille, réussit à se frayer un chemin dans cette jungle et à descendre jusqu’à la voie ferrée couverte de rouille. Lorsqu’il pénétra sous le tunnel, la végétation disparut et Kotoko vit nettement la voie de chemin de fer s’enfoncer dans l’obscurité avec ses deux rails bien parallèles. Les traverses en bois qui maintiennent  à égale distance les deux rails étaient couvertes de mousse et parfois fendues.

 

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La "petite ceinture" dans sa traversée du parc Montsouris

En voyant la rouille qui rougissait les rails, Kotoko se dit qu’aucun train n’avait emprunté ce passage depuis bien longtemps. Et il se hasarda sous le tunnel ouvrant tout grand ses petits yeux de hérisson très myope.

Au bout de quelques mètres, il sentit une vibration se propager sur la voie. Tout d’abord à peine perceptible, elle devint de plus en plus forte et s’accompagna du bruit très net d’une machine à vapeur lancée à grande vitesse. Et c’est alors que Kotoko aperçut une lumière dans l’obscurité du tunnel, celle d’un gros œil unique lançant ses rayons avec force. Le bruit devint assourdissant et Kotoko eut à peine le temps de se mettre en boule au milieu de la voie avant que le train ne passe au-dessus de lui dans un fracas infernal.

« Je n’ai donc pas rêvé, se dit Kotoko. Il y a bien des trains qui traversent le parc Montsouris. »

Quand le convoi se fut éloigné, notre hérisson se redressa et secoua la suie qui avait recouvert ses épines, la suie du charbon qui brûle dans la chaudière d’une machine à vapeur. Il remonta vers le parc et se retrouva museau contre museau avec Marotte, la chatte qui vit comme Kotoko sous les arbres de Montsouris.

« Tu sais, Marotte, j’ai vu le train dont j’avais rêvé la nuit dernière. Il est même passé au-dessus de moi. Regarde, il y a encore quelques grains de suie sur mes épines. »

Marotte regarda Kotoko avec étonnement. « Kotoko, je pense que tu me racontes des histoires. Il y a bien longtemps qu’aucun train n’emprunte plus la petite ceinture comme on appelle cette voie ferrée qui fait tout le tour de Paris. »

Kotoko eut un doute.  Il avait un souvenir très précis du train sous le tunnel. Mais l’avait-il réellement vu et entendu ?  Ou bien ne s’agissait-il que d’un effet de son imagination un peu trop fertile ?  La suie retrouvée sur ses épines n’était-elle pas tombée de la voûte du tunnel ? Et non pas de la chaudière brûlante de la locomotive ?

« Après tout, peu importe, se dit Kotoko. Ce train fantôme est dans ma mémoire. Il a sans doute voulu m’étonner, moi le hérisson du Ghana en visite à Paris, le Kotoko qui n’avait jamais vu de locomotive à vapeur. Et il a réussi à m’impressionner. C’est cela qui compte. » 

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Post scriptum : Pour les esprits curieux, j'ajoute que la parc Montsouris est traversé par deux voie ferrées. Celle de la petite ceinture que Kotoko a explorée. Et celle du RER (réseau express régional) sillonnée par des rames à traction électrique. Les deux lignes se croisent dans le parc. Kotoko a sans doute rêvé de cette machine à vapeur mais il a bien entendu des trains traverser le parc...  

 

 

20/07/2011

Les endormis de Montsouris

 

Pour mon petit voisin, Julien, au silence malicieux.

 

Kotoko dort.

Kotoko est très fatigué. Il a fait un très long voyage depuis la Mauritanie où il a rencontré son ami Zouzal le chamelon.

Kotoko est arrivé à Paris après des jours et des jours de transports en tous genres : en camion, en autocar, en bateau, en train et à quatre pattes ! Mais il a fini par arriver à Paris et a décidé de s’installer dans le grand et beau parc Montsouris. Il y a trouvé du calme, de beaux et grands arbres et des grandes pelouses où il peut batifoler la nuit en toute liberté quand le grand parc a fermé ses grilles.

La nuit qui a suivi son arrivée dans le parc, Kotoko a dormi profondément tant il était fatigué. Les chauves-souris qui l’ont alors survolé l’ont même entendu ronfler !

Dès la deuxième nuit, Kotoko reprend son activité nocturne et explore le parc Montsouris. Soudain il s’arrête au pied d’un arbre immense dont le tronc s’appuie sur d’énormes racines. En approchant à pas feutrés de ces racines, Kotoko aperçoit  un étrange personnage endormi. Il s’en approche avec précaution et entend une très faible respiration.

 

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Il contourne les racines et soudain c’est un hippocampe qu’il devine, un cheval de mer endormi là dans la nuit du parc Montsouris.

 

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Et, toujours curieux, Kotoko se penche ensuite sur le visage grave d’un vieil homme lui aussi endormi…

 

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Comment ces trois étranges personnages sont-ils arrivés dans le parc ? Pourquoi dorment-ils ainsi ?

C’est alors que Kotoko rencontre un autre animal nocturne, une chatte qui s’appelle Marotte et qui connaît le parc comme ses puces. Marotte explique à Kotoko qu’il y a très, mais alors très très longtemps, le parc Montsouris n’était qu’une colline peuplée de moulins où les agriculteurs venaient moudre leur blé pour en faire de la farine. Et ce blé et cette farine en grande quantité attiraient des milliers de souris… Fatigués que les souris viennent nuit et jour les chatouiller, les moulins ont fait appel à leurs amis qui vivaient dans les parages. Et en quelques heures ces amis croquèrent toutes les souris !

Et depuis, ils dorment dans le grand parc pour digérer ce festin ! Et on les appelle les endormis de Montsouris.

Les enfants qui habitent Paris peuvent venir les voir dormir dans le parc Montsouris. En cherchant bien, ils les trouveront et pourront les regarder en silence pour ne pas troubler leur sommeil… S’ils ne les trouvent pas, je peux leur indiquer au pied de quel arbre ils somnolent.

Post scriptum

Les 3 photos qui illustrent cette nouvelle histoire sont enfin en place. Merci de votre patience les enfants.  

 

06:37 Écrit par Jean Julien dans Aventures de Kotoko et autres | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : paris, montsouris, parc, hérisson, chatte |