13/08/2014
Mortelle passion pour le selfie
Selon Wikipedia, je cite : " un selfie (déclinaison du terme anglais self « soi », interprétée dans le contexte comme « pour soi » ou « étant seul »), autophoto ou encore égoportrait au Québec, est un autoportrait photographique réalisé avec un appareil photographique numérique, un téléphone mobile (téléphone intelligent ou photophone) voire une webcam puis téléversé sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram, Tumblr, et autres Flickr) pour renseigner son profil ou son avatar, pour documenter sa présence dans un lieu ou auprès de quelqu'un (notamment une photo volée ou consentante à côté d'une célébrité), partager son état du jour, publier certaines scènes particulières."
Le site d'information Atlantico relaie une information qui montre à quel point cette mode du selfie conduit ses adeptes à des comportements extrêmes. Un drame survenu à Cabo de Roca au nord de Lisbonne (Portugal) samedi dernier (9 août 2014) en constitue une triste illustration. Une famille polonaise visitait le site dont on dit qu'il s'agit du point le plus avancé d'Europe vers l'ouest. Les falaises sont hautes de plus de 80 m. Les parents polonais ont voulu prendre un selfie au bord du précipice. Trop près du bord. Ils ont trébuché et basculé dans le vide devant leurs enfants de 5 et 6 ans.
Chute mortelle. Sous les yeux de leurs enfants. Pour un selfie.
Notre Terre n'est pas seulement un décor pour des photos de soi qui n'ont de valeur que si elles sont démultipliées et vues par des centaines de correspondants. Ce couple de polonais a payé le prix fort pour cet oubli. Après le virtuel, le retour au réel.
Cette parabole incitera-t-elle à quelque réflexion les adeptes des réseaux sociaux ? Rien de moins sûr, ils ne lisent pas mon blog. Je n'y poste aucun selfie...
10:10 Écrit par Jean Julien dans Billets d'humeur | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : portugal, cabo de roca, selfie, polonais |
08/06/2014
Bord de mer
Boa-Vista, Portugal. Photographie de Frédéric Bellay.
Quand il voit la photo, il dit sans y réfléchir :
- - Quelles belles montagnes ! Et ce champ de neige !
Et puis c’est le silence. Il regarde de plus près. Ajuste sa vision à son objet. Il se recule puis se rapproche.
- - Des montagnes ?
Il n’en est plus très sûr, comme si ce paysage a priori si évident lui échappait. Il doute de l’échelle, de la perspective. Il reconnaît une rambarde sur la droite et son ombre projetée sur ce qu’il avait imaginé être de la neige : l’échelle n’était pas la bonne. Son regard s’ajuste progressivement à ces aplats noirs et blancs mêlés de gris et d’argent. Et soudain, les montagnes imaginées se dissolvent pour laisser la place à un autre objet : le bord de mer, le rivage atlantique, avec ses rochers, son sable et ses marées. Il comprend que c’est marée basse et que le sable sur la plage est celui de l’estran.
D’où vient cette lumière qui sur le sable projette l’architecture de la rambarde ? D’où vient cette masse noire à la fois pointue et arrondie sur la droite de la photo ?
La source lumineuse est hors champ, occultée. La lumière n’a pas de source visible. Le ciel est d’un noir d’encre, sans aucune étoile. Un dais immense tendu au-dessus des rochers, du sable, vides, inanimés. Éclairés mais menacés d’obscurité par la masse noire qui se profile à la droite du cadre.
L’océan ? Où est-il ? C’est marée basse et il ne demeure que sa trace sur le sable lisse et vierge. L’océan est hors cadre comme la source lumineuse.
Celui qui regarde comprend ou le croit, à sa manière.
Il comprend que cette photographie pose une question : qui de la lumière ou de l’obscurité va gagner ?
Déjà la nuit s’impose dans le ciel et peut-être l’emportera-t-elle totalement si cette masse sombre progresse par la droite du cadre. Les deux forces s’affrontent dans un paysage chimérique où « le miroir qui se souvient* » mêle les rivages confondus d’un même océan, « finis terres ». La fin de la terre, le début de la nuit, le pas retenu vers l’obscurité qui gagne.
Quelle issue à ce combat ?
Celui qui regarde sait-il quelle part d’ombre le hante ?
Quel chemin il doit emprunter ?
S’il est sur la bonne voie ?
S’il a effectué le bon choix ?
Il préférerait ne pas choisir.
Je ne peux que lui dire :
« The shadows are as important as the light. »
Jane Eyre, Charlotte Brontë
· * Citation de Robert de Montesquiou
08:53 Écrit par Jean Julien dans Écouter, regarder, écrire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : frederic bellay, photographie, boa vista, portugal, ocean, atlantique, bronte, eyre |