08/12/2009
Le concert des animaux
Le concert des animaux
Pour Relwendé
La nuit est profonde au-dessus de Bandiagara.
Le ciel est noir, percé de millions d’astres qui brillent de tous leurs feux.
La nuit, l'air du pays Dogon*est si pur, si transparent et si calme qu'on entend glisser les étoiles.
Temé dort sur le sable, sur une simple natte, enveloppé dans son grand boubou bleu.
Quand vers l'Est, du côté du Sahara, le ciel commence à rosir et que les étoiles s’éteignent les unes après les autres,
le grand concert des animaux se prépare.
Temé entrouvre un œil.
Très matinal, le coq a chanté avant l’aube
Quand il a senti que le soleil se rapprochait de l’horizon.
Il a prévenu ses poules de l’imminence du jour.
Elles doivent se préparer à picorer des grains de mil et à pondre leurs œufs en caquetant.
Quand le coq a lancé son premier «cocorico», les oiseaux de nuit se sont tus.
«Fini les hululements des heures obscures !» pense Temé qui de son œil entrouvert aperçoit la chouette et le hibou qui se cachent dans un trou d’arbre.
Ils vont dormir de peur d’être éblouis par la lumière du soleil levant.
Dans l'air frais et rose du matin, le ciel bleuit peu à peu.
Commence alors le grand concert des animaux.
L'âne se réveille.
Il a dormi debout et déjà prêt pour une nouvele journée de travail, il réclame son foin et pousse un cri si puissant que Temé ouvre son second oeil. «Quand cessera-t-il de braire cet âne ? Il me fait toujours sursauter.»
Les chèvres ne sont pas en reste.
Déjà excitées à l'idée de partir en brouse dévorer les feuilles d' acacias et autres épineux, elles bêlent en choeur : les mères appellent leurs chevreaux, les chevreaux répondent à leurs mères. Les boucs encore endormis leur demandent en vain de bêler moins fort.
Le concert s'amplifie de minute en minute.
Les chiens soudain aboient.
Bien qu'ils aient peu dormi car ils ont gardé les maisons toute la nuit pour les protéger des voleurs, ils commencent eux aussi leur journée de labeur.
Ils entourent les vaches et leurs veaux pour les conduire aux pâturages sous la houlette des bergers.
Temé se lève en secouant son grand boubou, vaincu par ce vacarme. Mais le concert se poursuit.
Dès que les chèvres furent réveillées, les moutons ont suivi le mouvement. Jamais les moutons ne se décident seuls, ils imitent les autres animaux. Et ils bêlent, ils bêlent sans trop savoir pourquoi ou peut-être pour dire qu'ils sont là, eux aussi, à Bandiagara et que maintenant les oiseaux rêvent de frôler le ciel tant il est bleu et le soleil brillant.
Les martinets montent si haut, si haut que leurs cris stridents se perdent dans l'air du matin.
C'est alors que le chat rentre de sa nuit de chasse.
Dans l'obscurité propice, il a traqué les souris et autre mulots qui dévorent le sorgo et le maïs dans les greniers.
Quelques uns ont fini sous les crocs du terrible félin, si grand chasseur la nuit et si doux compagnon des hommes le jour.
Le chat aussi utile aux agriculteurs que le chien aux éleveurs.
Le chat est un animal discret et il miaule avec parcimonie, pour saluer ses maîtres, appeler un chaton égaré.
Fatigué de sa nuit de chasse, il dort d'un oeil en ronronnant, bien à l'aise à l'ombre d'une véranda, tout en surveillant sa cour.
Temé a déjà repris le travail dans les champs.
Le concert des animaux est terminé.
Mais demain dès l'aube, il reprendra
et longtemps il en sera ainsi.
*Le pays Dogon est une région du Mali
13:15 Écrit par Jean Julien dans Aventures de Kotoko et autres | Lien permanent | Commentaires (0) |
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