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01/01/2010

En Pologne, chez le prince Andrzej

Varsovie le 12 décembre 1680

Ma toute bonne,

Ma vie avance en âge. Et je m'étonne de désormais considérer ma propre fin avec sérénité. Ne vous méprenez point. L'idée de vous quitter vous et vos enfants m'est une déchirure. Mais la pensée de laisser ce monde trop plein de chaos, celle de retrouver tous ceux que j'aime tant et qui déjà nous ont quittés et celle de continuer à veiller sur vous de là où je serai, toutes ces pensées m'apaisent et m'incitent à envisager l'âme tranquille cette issue inexorable. Je suis en paix avec moi-même et en paix avec ceux qui m'entourent.

Ces idées, qui n'ont rien de triste, me sont venues lors du très long périple que nous avons entrepris Jean de la Ventière et moi-même de Paris à Varsovie. Au service du roi, la Ventière était muni d'un sauf-conduit qui nous permit de franchir sans encombre les innombrables frontières du pays allemand où les royaumes seront bientôt aussi nombreux que les puces sur un chien. Par des routes trop souvent défoncées, dormant dans des auberges sales et infestées de cancrelats et de rats, nous rejoignîmes le port de Hambourg pour nous embarquer jusqu'à Dantzig. Les voies vers la Pologne étaient trop boueuses pour être praticables en cette saison automnale.

C'était ma première traversée maritime et j'ai cru ma dernière heure arrivée. Sitôt quitté le port de Hambourg, nous dûmes affronter des vagues terribles soulevées par un vent d'Est démoniaque de force et de froid. Le vaisseau se soulevait, retombait lourdement sur les flots, roulait tant et si bien que mon estomac déjà affaibli se vida comme une outre crevée. J'arrête là le récit de ces horreurs maritimes. Je préfère oublier ces quatre jours de navigation même si le temps fut plus clément sur la mer baltique qui ressemble davantage à un grand lac qu'à une mer.

Partis de Paris deux semaines plus tôt, nous débarquâmes à Dantzig le 8 décembre. C'est une belle et prospère ville hanséatique, tout comme Konigsberg située plus à l'est. On y entend parler allemand et polonais. Toute la ville est construite en briques. Les maisons sont hautes et étroites comme à Amsterdam où réside la nièce de la Ventière, Anne de la Ventière, comtesse de Jansen-Sarlan, que nous visitâmes il ya quelques mois. De vastes entrepôts bordent les quais, ils sont munis d'ingénieux systèmes destinés à hisser les marchandises, mus par d'énormes roues que font tourner de pauvres bougres enfermés là-dedans comme des écureuils dans une cage.

Malgré la charmante hospitalité qui y règne, nous quittâmes rapidement Dantzig pour Varsovie où nous accueillit le prince Andzrej de Jarocin (il faut, ma toute bonne, prononcer « yarotchine » à la polonaise, sinon vous vexeriez le prince). Je passe sur le voyage car il ne fut pas plus confortable qu'en pays allemand. Nous traversâmes cependant la Mazurie ou Poméranie occidentale, selon que vous parlez polonais ou allemand, et j'eusse aimé, ma toute bonne, contempler avec vous la houle des collines et des lacs qui viennent ici battre l'horizon de profondes forêts.

Jarocin vient d'emménager dans son tout nouveau palais de Varsovie. Le roi de Pologne a décidé de déplacer sa cour et sa capitale dans cette ville, délaissant Cracovie où ses ancêtres étaient installés depuis des siècles. Le roi polonais admire beaucoup notre bon roi de France, il a donc décidé comme notre Louis de créer son Versailles, à Varsovie sur les bords de la Vistule. La cour ne fut point enchantée de cet exil car Varsovie se sonstruit au milieu de nulle part, loin de la mer, loin de l'Autriche, loin de l'Allemagne, isolée dans des plaines sans fin.

Le palais du prince Andzrej est situé sur une hauteur qui domine la Vistule. Il est entouré d'un vaste parc nouvellement planté qui descend jusqu'au fleuve. Andzrej est le ministre des affaires extérieures du royaume de Pologne et a construit cet édifice à la mode française avec élégance,symétrie et sobriété.

Le prince de Jarocin est plus jeune que la Ventière. Ils ont fait connaissance lorsque ce dernier représentait notre roi à Varsovie. Le jeune Andzrej était alors un grand adepte des fêtes de nuit qui animent cette jeune capitale quelque peu morne. Il abusait parfois de la vodka, l'alcool local, et entraîna ce pauvre Ventière dans des soirées aussi animées qu'arrosées. Andzrej s'est assagi et sa finesse d'esprit, qui avait séduit la Ventière, s'est renforcée avec l'expérience acquise. Doté d'un humour sarcastique, sachant établir avec les humains et les événements la distance indispensable à leur bon entendement, cet Andzrej avait toutes les dispositions pour s'entendre avec Jean qui présente de semblables dispositions d'âme et de cervelle. Leur amour commun de la musique et de la peinture finit de sceller leur amitié.

Notre arrivée et les retrouvailles entre les deux amis furent l'occasion d'une grande fête donnée de nuit dans les nombreux salons du palais princier.

Je regrettai que le Marquis Bernard de la Ventière ne fut point de la partie. Il n'aime plus guère quitter son château de Verneuil où il tient compagnie à la Marquise Julienne qui se plaît, malgré son âge avancé, à trottiner sans relâche comme une petite souris dans les salons et les nombreux corridors. Voici quelques années, quand leur fils résidait à Varsovie, les Ventière père avaient fait par deux fois le déplacement depuis leur Mayenne. Et ils en furent fort aises. Mais l'âge venant, les voyages ne sont plus de leur goût.

Mais je m'égare selon ma mauvaise habitude. Les idées et les mots qui les portent viennent si vite à mon esprit que mon récit ressemble parfois à une sinueuse route de montagne... Je reviens donc à Varsovie et à mon cher Bernard de la Ventière qui aurait admiré ces belles jeunes femmes polonaises si fines et si élégantes, pour le plaisir des yeux comme il aime à le dire. Elles dansent mazurkas et polkas aux bras de leurs lourdauds de cavaliers aussi empotés qu'elles sont déliées. C'est ainsi en Pologne, les femmes l'emportent sur les hommes par leur ascendant et leur énergie. Heureusement que quelques exceptions viennent contredire cette règle. Le prince Andzrej le démontre brillamment. Car il a belle allure ce prince polonais, la taille élancée, le visage bien fait, animé par de beaux yeux bleus, la tignasse aussi blonde que les blés mûrs de mes champs bretons.

Au cours de la soirée, la Ventière s'enquit auprès de Jarocin de la santé du baronnet Michael («mirawe») de Grochala («grorala») qu'il avait connu lors de son séjour à l'ambassade. Ce Grochala était aussi intelligent que prétentieux et compensait la faiblesse de son nom par une arrogance pénible. Jean de la Ventière avait appris d'une amie polonaise que ce nom qu'il disait venir d'une vieille famille protestante exilée en Pologne (« Les Groschats » disait le baronnet) signifiait « haricots » en polonais... Elevé par sa mère abandonnée par son navigateur de mari, il était possessif et jaloux. Mais brilant juriste, Grochala était doué pour les affaires. Jarocin confia à Jean qu'il ne le voyait plus à la cour. Le baronnet avait peut-être quitté la capitale pour un royaume allemand où il pourrait faire fructifier sa fortune naissante. L'argent constituait en effet le principal moteur de l'existence de Grochala.

A ce moment de la soirée, le nonce apostolique fit son entrée, majestueuse, il va sans dire. Ces princes de l'église ont perdu toute l'humilité qui habitait notre seigneur et sont plus amoureux du pouvoir temporel que du Christ. Je me prends parfois à lorgner vers ces protestants qui reviennent aux fondements de notre belle religion chrétienne toute pleine d'amour du prochain et du sens du pardon. Mais je m'égare encore une fois et dangeureusement car notre roi n'aime point les parpaillots.

Notre nonce était bien loin de toutes ces préoccupations, déjà quelque peu éméché par un passage chez Anna (« agna ») Kalinska, marquise de Niekgpogolski, qui recevait elle aussi. Le nonce vint nous saluer et s'enquit de notre voyage et de notre installation. Il savait Jarocin peu tourné vers la religion catholique qui se mêle de tout dans ce pays. Il fut aimable avec lui, sans plus. Le nonce nous dit avoir reçu des nouvelles fraîches de Rome où la Lefeuvre et le cardinal Grenellini étaient arrivés et menaient grand train dans le palais Farnèse où ils avaient pris leurs quartiers.

A tel point que le saint prélat dut demander à Grenellini de se faire plus discret. Piquée, la Lefeuvre, dont vous connaissez, ma toute belle, la faiblesse d'esprit, fit alors remarquer à son amant que ce n'est pas parce qu'un homme porte la robe, fusse-t-il pape, qu'il peut se permettre d'empêcher deux pigeons de s'aimer d'amour tendre.

Le nonce éclata d'un rire inextinguible en nous rapportant ces balivernes qui vont faire le tour de l'Europe... A cette Lefeuvre, que ne resta-t-elle point dans son cagibi à broder des napperons ! Cela eut suffi à occuper sa cervelle d'oiseau !

Sur ce, je vous laisse. Ma chandelle décline. Dans ce pays et à cette saison automnale, il fait nuit au milieu de l'après-midi et à neuf heures du soir on en vient à penser qu'il est minuit tant l'obscurité vous entoure depuis des heures. Je vais prendre du repos en priant Dieu que mes entrailles me laissent en paix. Mes pensées vont vers vous qui êtes si loin de moi par la distance mais si proche de mon coeur.

Je vous embrasse comme je vous aime, avec tout mon amour.





17:20 Écrit par Jean Julien dans Lettres de la marquise de Sévigné | Lien permanent | Commentaires (4) |

Commentaires

Absolument délicieux, la suite viiiite!

Écrit par : Koziolek Matolek | 17/07/2011

Merci pour votre commentaire. Je vous promets une nouvelle lettre de la Sévigné dans quelques jours. Elle narrera son retour au royaume de France via Venise, la Sérénissime...

Écrit par : Jean Julien | 18/07/2011

Hello

Wir stimmen wieder einmal absolut nicht überein mit der diesjährigen GoldenGlobe und Oskar 2013 Entscheidung.
Noch 4 Tage

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Jessica Biel kann doch wirklich nicht besser sein als Mr.Yul Brynner

Diese kleine Abstimmung wird unterstützt von Oscar 2013 sponsor Analog Devices
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tortenfischpommineu2013 150 Die nächste Verleihung 2014 muss wieder unbedingt um einiges gerechter werden.
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Écrit par : ohbmkhnkall | 26/03/2013

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Écrit par : CarrieWa | 28/10/2013

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