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08/12/2012

Les moineaux de Tunis

 

« Tendre l’oreille. Tendre l’oreille, immobile et attentif, comme si tu étais une palourde. »

Kafka sur le rivage, Haruki Murakami

 

Les moineaux de Tunis volent en bandes.

Comme les étourneaux, ils reviennent des campagnes environnantes au soleil couchant. Ils ne forment pas des petites troupes de quelques dizaines d’oiseaux. Ils se rassemblent par nuages, des  nuages de volatiles qui survolent la ville pour gagner l’avenue Bourguiba. Avant de se poser, ces essaims ailés tourbillonnent dans l’air du soir comme les nuages électroniques qui embellissaient nos écrans d’ordinateurs lorsqu’ils étaient en veille, voici quelques années. Les figures ne sont jamais les mêmes : des vrilles descendantes, des tourbillons horizontaux, des tornades escaladant le ciel de Tunis qui vire au vert avec la nuit qui approche.

Ces milliers, peut-être ces millions d’oiseaux ne se contentent pas de voler en nuages « à l’architecture mobile *».  Ils inondent l’avenue Bourguiba de leurs cris et de leurs piaillements jusqu’à ce qu’ils s’enfoncent dans les ramures des ficus qui bordent et embellissent l’avenue depuis des décennies. Ils entrent et sortent de leurs dortoirs végétaux avec une frénésie incroyable. Indifférents au vacarme des voitures et des tramways, à la foule des badauds qui déambule sur les trottoirs et l’allée centrale, aux fumeurs et aux frimeurs bavards qui envahissent les terrasses de café, aux bourrasques de vent qui secouent les parasols et les branches des ficus, repus par leurs agapes dans les champs autour de Tunis ou sur les décharges à ordures, les oiseaux ont hâte de s’endormir bien au chaud au cœur des arbres de la grande ville, à l’abri des prédateurs de la campagne.

La nuit venue, ils se taisent. L’éclairage public ne les dérange en rien. Ni le défilé des « bizness », ni les appels des jeunes vendeurs de jasmin, ni les belles qui défilent bras-dessus-bras-dessous en quête d’aventure, rien ne les perturbe.

Demain au soleil levant, ils reprendront leurs pépiements, secoueront leurs ailes engourdies, lâcheront quelques fientes sur les tables des cafés et quitteront leurs abris nocturnes pour former à nouveau ces nuages vivants que seuls les travailleurs et les voyageurs matinaux apercevront d’un œil distrait.

La lumière reprendra ses droits. La baie de Tunis virera au bleu et le soleil naissant coloriera de rose les façades blanches.

 

 

 

*Un port, Charles Baudelaire in Petits poèmes en prose

 

15:00 Écrit par Jean Julien dans Tunisie | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : tunisie, tunis, moineaux, nuages, ficus, avenue bourguiba |

Commentaires

Très beau texte. Une douce poésie pleine d'espérance. On aimerait tendre l'oreille, écouter le piaillement des étourneaux en dépit de la rumeur du monde.

Écrit par : Touriya | 08/12/2012

Que c'est beau ! je suis conquis par le mouvement qui habite le tableau, ainsi que la simplicité et l'humour avec lesquels tu l'écris. Merci Jean-Yves !

Écrit par : Laurent | 08/12/2012

La référence, en note, à Baudelaire n'est sans doute pas de hasard. La poésie des avenues de Tunis n'est pas étrangère à celles de Paris: " La forme d'une ville est plus changeante que le coeur d'un mortel " chantait à peu près le Poète , je ne sais plus où dans " Les Fleurs du mal ". Même impression à la lecture de ce bref texte.
Les étourneaux s'abattent aussi en tourbillons sur les champs de blés après les moissons , égayants les villages voisins. Tunis n'est donc pas encore une ville sans âme.
Un poème en prose qui ne fait pas oublier les récentes réflexions encourageantes sur un pays aimé.

Écrit par : Christian | 09/12/2012

Heureux que les oiseaux aient trouvé la Paix et l' épanouissement dans un pays en tourmente. Au Liban par exemple on les chasse, on les tue, on les mange. C'est un mets très apprécié qu'on sert même au restaurent. Mais, j'ai pu constater durant mon séjour la bas que cette chasse est plus un sport, c'est une façon de montrer qui est le maître de la nature. Les chasseurs ne s'intéressent pas toujours à leur prise, et les cadavres des oiseux
jonchent le sol. Du coup les oiseaux sont rares au Liban. Quel massacre.
Lisez cet article dans l'Orient le Jour:
http://www.lorientlejour.com/category/Liban/article/773160/%3C%3C+Quelque_90+_des_oiseaux_chasses_au_Liban_sont_proteges_en_Europe+%3E%3E,_selon_un_expert.html

Écrit par : Lidia | 10/12/2012

Les commentaires sont fermés.