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14/04/2013

Durbar d'un chef Nzema au Ghana

 

Les photos que je publie ont été prises au début des années 1980 à Atuabo, sur la côte à l’ouest du Ghana, près de la frontière avec la Côte d’Ivoire. Kwame Nkrumah, premier président du pays, était originaire de cette région. Il y est enterré.

J’avais pu participer à un durbar ou festival d’un chef Nzema, population qui occupe cette partie du Ghana depuis des siècles. Qu’est-ce qu’un durbar ? L’origine du mot est incertaine. Peut-être s’agit-il d’un mot indo-persan désignant « a ruler’s court » ou cour d’un chef. Nous rappelant ainsi combien l’Empire colonial britannique était vaste et comment les mots y circulaient. Le Ghana ou Gold-Coast (Côte de l’Or) en faisait partie, bordé par des colonies françaises (l’actuelle Côte d’Ivoire à l’ouest et le Burkina-Faso au nord) et par une colonie allemande à l’est, le Togo, devenue française à la fin de la première guerre mondiale après la défaite des Allemands. Lorsque je travaillais dans ce pays de 1983 à 1985, le souvenir de cette colonisation était encore présent dans la mémoire de quelques vieillards. Les très fréquents séjours de Franz Josef Strauß, alors président de la Bavière et décédé en 1988, ravivaient ce souvenir. Ils  venaient au Togo à l’invitation de feu le général Eyadema, alors président du pays.

Au Ghana, un durbar suscite un vaste rassemblement de population. C’est le plus souvent un rendez-vous annuel. Il a pour but de ressouder les liens entre les membres d’une même communauté et leur chef. Les Britanniques, contrairement aux Français, s’étaient appuyés sur les chefferies traditionnelles pour administrer leurs colonies. C’est ce qu’on appelait « the indirect rule » (le gouvernement indirect). Dans ce pays indépendant depuis 1957, les chefs ont conservé certaines prérogatives au niveau local telle la justice de paix (règlement des contentieux de propriété, problèmes liés à des héritages par exemple). Ils ont compétence sur les terres de leur domaine/village et peuvent en attribuer l’usage. Ils exercent aussi une fonction de conseil.

 

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Un durbar débute de nuit, la veille de la fête officielle. L’alcool de vin de palme, l’akpeteshie, coule à flot et les festivaliers passent une nuit blanche à danser au son des percussions et des balafons (ou xylophones). Certains se maquillent, se travestissent comme nous le faisons à l’occasion de nos carnavals. Ils incarnent des esprits, se pensent parfois réellement possédés tant l’alcool est fort et les drogues locales sont puissantes (le hachich notamment).

 

 

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Après les libations de la nuit traversée par de fantômatiques créatures, place au grand défilé. La procession revient de la plage où l'océan a été célébré. Les sujets du chef sont bénis. Le chef lui-même arrive sur son palanquin. Un page l'accompagne. La fête est à son comble.

 

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En publiant ces photos, issues de diapositives récemment numérisées, je n’entends pas propager la nostalgie d’une Afrique qui aurait irrémédiablement disparue. L’Afrique d'antan est toujours présente. Pas dans le sens d’une régression ou d'un immobilisme. Ni dans celui d’une malédiction qui condamnerait cette région du monde à vivre en dehors de l’histoire comme certains osent le proférer.

Je souhaiterais au contraire expliquer qu'en Afrique les traditions perdurent sans pour autant empêcher la modernité d'avancer. Le téléphone portable y a fait une poussée fulgurante en une décennie. L’internet également. Il y a 30 ans, il était impossible de téléphoner au Ghana. Le réseau à fil avait été réduit à néant. Que de chemin parcouru en si peu de temps.

Ces rapides progrès technologiques ont induit des évolutions sociologiques et économiques dont on ne mesure pas encore toute la portée. La population ghanéenne vit dans un système cumulatif où les traditions lui servent d'ancrage alors qu’elle avance vers un autre monde. Les traditions stabilisent l’émergence du second qui est encore instable et changeant. Certains Ghanéens sont plus avancés que d’autres. Là aussi il y a des inclus de plain-pied dans les deux mondes. Et puis il y a les exclus et pire encore les reclus. Certaines églises évangélistes, d’origine nord-américaines, l'ont bien compris qui proposent une religion festive et rassurante aux populations récemment urbanisées et les accompagnent financièrement à l’image de ce que font les Frères Musulmans en terre d’Islam.

Voyager en Afrique, c’est bien voyager dans le temps : le moderne y côtoie l’ancien demeuré vivant. L'un n'excluant pas l'autre.

 

 

 

 

 

 

16:33 Écrit par Jean Julien dans Ghana | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : ghana, nzema, durbar, festival, afrique |