15/03/2010
Les bouts de bois qui pleurent
Les bouts de bois qui pleurent
Notre ami Kotoko, le hérisson, a quitté son pays, le Ghana, pour un très long voyage vers le nord, vers le Mali et le pays de Bandiagara.
Il a traversé des kilomètres de savane, grimpé sur le toit d’un autocar qui soulevait d’énormes nuages de poussière rouge comme le sang de la terre d’Afrique. L’autocar filait, indifférent aux frayeurs des troupeaux qui paissaient aux abords de la piste en latérite. Rouge, Kotoko l’est totalement, rouge comme la terre du Sahel.
Lorsqu’il approche de Bandiagara, Kotoko n’a plus une seule épine de propre. Le pauvre hérisson, il va devoir se laver... Et quand l’autocar débordant de passagers, tout aussi rouges que Kotoko, et quand l’autocar surmonté d’une montagne de bagages et de colis, rouges eux aussi, s’arrête pour laisser refroidir le moteur, Kotoko descend du véhicule pour détendre ses quatre petites pattes engourdies.
Pendant que certains vont s’accroupir derrière les arbres pour soulager leur vessie, Kotoko s’approche d’un mystérieux enclos que ferme sur quatre côtés un entrelacs de bouts de bois, de vieilles branches sèches emmêlées pour retenir les animaux quand leur propriétaire a besoin de les parquer là.
Kotoko s’approche des bouts de bois qui ont perdu leur écorce, desséchés par le rude soleil du Sahel. Et, à sa grande surprise, il aperçoit des gouttes d’eau qui perlent sur un, puis deux, puis trois des bouts de bois…
- Ne serait-ce point des gouttes de rosée que la nuit aurait oubliées sur ces branchages ? pense Kotoko.
- Ce soleil de plomb aurait vite séché la rosée ! lui répond un voyageur.
Alors Kotoko s’approche des bouts de bois, si près que les sillons et les bosses se transforment peu à peu en têtes : là celle d’un cheval, ici celle d’un chien, plus loin celle d’un dragon aussi effrayant que les gargouilles des cathédrales dans la vieille Europe…
Les bouts de bois ont parfois des têtes d’animaux, parfois des visages d’êtres humains…
- Ces gouttes d’eau ne sont pas celles de la rosée. Ce sont des larmes, dit Kotoko. Les larmes des bouts de bois qui pleurent de se voir dessécher sous le soleil, fendiller sous les coups de l’air torride, éclater par le froid des nuits de saison sèche… Ils souffrent ces bouts de bois, mais que puis-je faire pour eux ?
Kotoko se souvient qu’il a une bouteille d’eau dans ses bagages. Il court lentement vers l’autocar, revient lentement avec sa bouteille d’eau vers les bouts de bois. Et il asperge doucement les têtes en bois qui absorbent sans tarder l’eau si précieuse…
- Merci Kotoko, soupirent-elles si faiblement que seul Kotoko peut les entendre. Merci, marmonnent-elles. Merci Kotoko, chuintent-elles entre leurs nœuds et leurs crevasses…
Le murmure s’éteint.
Kotoko entend le klaxon de l’autocar qui appelle les passagers dispersés. Kotoko remonte lentement sur le toit du véhicule, vers sa place au milieu des bagages entassés. Il est songeur. Il n’oubliera pas de si tôt les bouts de bois qui pleurent sous le soleil de Bandiagara, au Mali.
10:19 Écrit par Jean Julien dans Aventures de Kotoko et autres | Lien permanent | Commentaires (2) |
Commentaires
Super idée, il me faut maintenant découvrir de toute urgence le reste de votre site. Ca fait du bien de vous lire !
Écrit par : cotes | 07/04/2010
Merci à vous. Le site est à votre disposition et je vais continuer à l'enrichir.
Écrit par : Jean Julien | 09/04/2010
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