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28/06/2012

Je ne serai jamais Jeannie Longo

Je lis cette information dans la presse :

"Jeannie Longo, qui a participé à toutes les éditions des Jeux olympiques depuis 1984, n'a pas été retenue dans la sélection qui se rendra à Londres. La doyenne du cyclisme français est abattue."

Quelle tristesse que de ne pas pouvoir décrocher de la compétition sans rechigner, sans se plaindre et sans protester !

Je ne serai jamais Jeannie Longo. Il faut savoir tourner la page et passer à autre chose.

Sans s'accrocher comme une bernique à son rocher. Ou à son vélo !

Humeur du 28 juin 2012

18:07 Écrit par Jean Julien dans Billets d'humeur | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : jeannie longo, décrocher, bernique |

19/06/2012

Jean de la Ventière visite la grande mosquée de Kairouan

Aux Rochers le 21ème jour de juillet 1681

 

Ma toute bonne,

 

Je rentre tout juste d’une visite qui m’a coûté bien du désagrément. Je ne pouvais pourtant  point m’y soustraire. A supposer que je l’eusse pu, soyez sûre que je serais restée aux Rochers.

Vous souvenez vous des Delannoy ?  Je ne pense pas que votre mémoire se soit encombrée de ces tristes bourgeois dont il me faut pourtant supporter la compagnie une fois l’an. Le lin et le chanvre ont bâti leur fortune et leur fabrique de draps est prospère. Ils fournissent maints régiments de l’armée de notre bon roi. Mon défunt époux, qui avait le sens des affaires à défaut de m’être fidèle, avait placé chez eux quelque capital, décelant que ces Delannoy appartenaient aux gens industrieux et honnêtes. Bien lui en prit car la fabrique Delannoy me verse chaque année un revenu non négligeable. Ces tisserands sont installés à Laval dans un petit hôtel particulier qu’ils ont acheté à un aristocrate ruiné par le jeu. Leurs ateliers jouxtent la Mayenne qui leur apporte l’eau pour le rouissage et la force pour les métiers à tisser. Pour me remettre les écus qu’ils me doivent, les Delannoy m’invitent chaque été. Et je suis à cette occasion toujours aussi surprise par ce couple qui offre une particularité étonnante. On le dirait composé d’un frère et d’une sœur. Il n’en est rien fort heureusement. Mais ils ont deux corps semblables, longs et émaciés, de tailles à peu près identiques. Outre ces corpulences si proches, leurs visages résonnent l’un dans l’autre. Têtes petites perchées au sommet de longs corps, mentons fuyants, bouches amères aux lèvres tendues vers le bas, nez fins et pointus. Seuls leurs yeux diffèrent. De fouine pour le mari car enfoncés, petits et mobiles. De biche pour l’épouse par leur taille, mais fixes et noirs. Sans expression.

Ils sont tristes comme des hiboux nos Delannoy. Toujours pressés comme des rats. Je me demande bien pourquoi ils passent le plus clair de leur temps à scruter leur horloge et à lui reprocher de ne pas écouler plus vite les minutes de ses heures. Ils ne se sont point départis de leurs vieilles habitudes d’artisans drapiers et sont demeurés réglés sur les horaires de leurs ateliers, tout enrichis qu’ils sont. Quoi qu’il en soit, leur ressemblance morale et physique est troublante. Ce sont-ils choisis parce qu’ils sont la copie l’un de l’autre, comme des jumeaux ? Je ne le pense pas car de nos jours les époux ne se choisissent guère. Les parents font les mariages au gré de leurs intérêts. Peut-être alors est-ce la durée de leur vie commune qui a induit cette similitude ?  

Revenue aux Rochers avec mes écus bien rangés dans mon escarcelle, je trouvai la Ventière de retour de sa promenade vespérale avec sa fidèle jument Nyctalope. Vous allez penser que je saute du coq à l’âne mais je tiens à vous écrire le dernier épisode du récit du séjour de Jean en Tunisie. Je vous sais férue de nouveautés et le récit de Jean va vous enchanter.

 

« Avant de quitter Kairouan, je m’en fus visiter la grande mosquée, dite aussi Djamâ-Sidi- Oqba. Hassan me guidait comme les jours précédents. Quand nos ancêtres entreprirent la construction de Notre-Dame-de-Paris, la mosquée de Kairouan était érigée depuis six siècles. Imaginez une forteresse ceinte de hauts murs blanchis à la chaux, éblouissant au soleil. Puis l’ombre d’une galerie qui sur trois côtés ferme une immense cour dallée. Face au minaret, lourd et puissant comme nos tours du Moyen-Age, se trouve la salle de prières dont le toit est porté par une forêt de colonnes dont nul ne s’est risqué à les compter, de peur de devenir aveugle. Toutes en granit ou en marbre, toutes issues des anciennes villes romaines, elles ont trouvé ici une seconde vie. Une atmosphère de piété saisit le visiteur dès qu’il pénètre dans la salle de prière. Les tapis alignés sur le sol étouffant le moindre bruit, la pénombre, le jeu des colonnes se masquant l’une l’autre et découvrant sans fin un espace nouveau, tout conduit au recueillement, à la sérénité de l’âme. Hassan dut me tirer de ma méditation pour me conduire dans la vaste cour et plus particulièrement vers une colonne de galerie, surmontée d’un chapiteau aussi ancien qu’elle.

-          Regarde bien Jean. Que vois-tu gravé sur ce chapiteau ?

Je n’en crus pas mes yeux. Une croix. Une croix chrétienne. Ce chapiteau provenait donc d’une antique basilique byzantine quand la Tunisie était chrétienne. Inattention des bâtisseurs ? Méconnaissance des signes chrétiens ? Indifférence ? Ou tolérance ?

-          Hassan, dit la Ventière, il me revient que dans le Haut-Languedoc que je traversai voici quelques mois, je fis une halte au pied de la chapelle de Saint-Pierre-de-Rhèdes non loin des rives de l’Orb. Cette chapelle bâtie par de pieux moines offre au visiteur curieux une particularité aussi étonnante que la croix de la mosquée de Kairouan. Une porte latérale s’ouvre au sud du bâtiment, elle est encadrée par deux antiques colonnes elles aussi d’époque romaine. Elle est surmontée d’un linteau sculpté d’étranges motifs géométriques. En y regardant de plus près, ces motifs reproduisent deux lettres de l’alphabet arabe. Alef et lam. Deux lettres qui rassemblées célèbrent la gloire d’Allah. Quel artiste musulman s’est-il arrêté en ce coin reculé du Languedoc pour graver ces lettres ? Comment ont-elles pu traverser plusieurs siècles sans être effacées ?  Ont-elles été protégées par l’ignorance des moines et des fidèles, certains de ne voir là que de purs jeux géométriques ? Mais leurs regards se posaient-ils jamais sur ce linteau ?  Tant de nous ont les yeux tournés en-dedans !

Marquise j’arrête là mon récit de peur de vous rabattre les oreilles. Le retour vers Tunis, la traversée de la Méditerranée furent passionnants. Mais ils ne méritent pas une attention spéciale. »

Ma toute bonne, Jean sait nous montrer les hommes et les femmes en mouvement. Il sait nous dire que ceux que nous croyons éloignés de nous sont souvent plus proches que nous l’imaginons.

Je vous embrasse comme je vous aime, de tout mon cœur. Vous êtes loin de mon âme dans votre château de Grignan mais à chaque instant le souffle de votre respiration vient frôler mes joues.

 

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Le linteau (détail) de la porte sud de la chapelle Saint-Pierre-de-Rhèdes, Lamalou, Hérault

 

 

 

 

 

11/06/2012

Kotoko et les baleines

 

Kotoko est rassuré. Son ami, Vieux Charlie, a accepté de le conduire à Pram-Pram au bord de la plage. Ils utilisent la Suzuki, surnommée « Je ne sais pas par quel miracle je roule, mais je roule… » (traduction approximative de l’éwé), et rallient rapidement le village de Pram-Pram avant de prendre la route qui conduit au bord de l’océan. La plage est immense. On la dirait sans fin. On pourrait y marcher des heures sans voir son extrémité. C’est cela qui plaît à Kotoko : le sable infini et le bruit monotone des vagues qui viennent mourir sur le rivage.

Notre hérisson est enfoui dans sa rêverie quand ses amis pêcheurs le rejoignent. Ils se dirigent vers leur pirogue et se préparent pour une partie de pêche en haute mer.

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Des bancs de thons ont été signalés au large et comme ces poissons se vendent bien au marché de Tema, il serait intéressant d’en pêcher beaucoup. Kotoko n’a nullement l’intention d’accompagner ses amis mais ces derniers insistent.

-          Kotoko, notre petit hérisson chéri, viens avec nous. Tu es notre mascotte. Tu nous porteras chance. Si tu nous accompagnes, nous rapporterons du poisson !

-          Merci pour l’invitation, les amis. Vous savez que je n’aime pas beaucoup l’eau, encore moins quand elle est salée ! Et toutes ces vagues qui vous brinquebalent dans tous les sens !

-          Ne t’en fais pas ! Tu fermeras les yeux quand nous franchirons la barre. Et nous emportons de l’eau douce pour nous désaltérer.

-          Ah ! Que ne ferais-je pas pour vous faire plaisir ! Au diable mes appréhensions ! Embarquons ! finit par céder Kotoko.

Sitôt dit, sitôt fait. Les pêcheurs poussent la barque vers l’océan en s’aidant de troncs d’arbre sur lesquels ils roulent la lourde barque. Puis vient l’instant où l’embarcation entre en contact avec l’eau et devient difficilement contrôlable. Il faut éviter qu’elle ne se mette de travers ce qui l’exposerait à un chavirage. Les amis de Kotoko sont expérimentés et ils s’aident d’un câble tendu au large pour progressivement glisser la pirogue sur l’eau. Kotoko a peur, mais il n’en montre rien car il veut paraître courageux devant l’équipage.

 

Et vogue le petit navire ! Le moteur est en route. L’étrave fend les vagues en soulevant d’énormes paquets d’embruns et d’écume. Tout le monde est trempé. Kotoko l’est jusqu’à sa dernière épine ! Heureusement qu’il ne fait pas froid. L’eau de mer qui sèche laisse cependant sur la peau des traces de sel qui finissent par piquoter.   

Après quelques heures de navigation vers le large, un des marins aperçoit un petit geyser à la surface de l’océan.

-          Je me demande s’il ne s’agit pas d’une baleine, dit le capitaine Kodjo. Elles viennent  chaque année dans les parages pour se reproduire. Il va falloir faire très attention car si l’une d’entre elles nous soulève, nous finirons comme Jonas, dans son estomac. Certes l’estomac d’une baleine est grand comme une maison, mais pour en sortir, il n’y a pas d’escalier !

-          Regardez, crie Kotoko, la baleine sort de l’eau. On voit son dos immense, lisse comme une ardoise. Et maintenant sa queue qui fouette les vagues ! C’est magnifique ! Je ne regrette pas de vous avoir accompagnés, mes amis !

Kotoko se réjouit peut-être un peu trop vite. Il n’y a pas une baleine isolée autour de la pirogue mais tout un banc qui poursuit un immense nuage de petits poissons dont les baleines raffolent. C’est à celle qui ira le plus vite, qui plongera la première pour avaler des dizaines de kilos de poissons d’un coup. Il en faut des tonnes pour nourrir ces grandes carcasses. Les baleineaux ne sont pas en reste. Aux côtés de leurs mères, ils imitent leurs mouvements pour attraper un maximum de nourriture vivante puis remonter à la surface pour prendre de l’air avant de replonger. Le spectacle est grandiose. La pirogue de Kodjo est ballotée mais elle tient bon. On dirait que les baleines tiennent compte de sa présence et la protègent. Depuis longtemps les pêcheurs de Pram-Pram ne s’attaquent plus aux baleines. Ils respectent ces mammifères qui ont été la proie des hommes pendant des siècles. Il y eut même un président de la République dans un pays voisin du Ghana qui s’amusait à tirer sur les baleines depuis un hélicoptère !  Et il n’y a pas si longtemps.

Le grand tumulte s’apaise progressivement. L’estomac des baleines doit désormais être rempli. Les cétacés se calment et tournent lentement autour de la pirogue. Ils se rapprochent de l’embarcation au point de la frôler. Pas pour la renverser. Pour jouer tout simplement. Kotoko peut ainsi voir de très près les petits yeux malins des baleines et il découvre que leur peau, épaisse de plusieurs centimètres, est par endroit couverte de parasites, de coquillages entre autres.

-          Je trouve que rôde une drôle d’odeur. D’où cela peut-il venir ? dit Kotoko.

-          Ah ! s’exclame Kodjo, le capitaine expérimenté, on voit que tu n’as jamais fréquenté nos amies les baleines. Tous ceux qui les ont approchées te diront qu’elles puent. Tous les parasites qui leur collent à la peau, tous les détritus qui embarrassent leurs fanons, tout cela dégage un parfum nauséabond… Tu vois Kotoko, les baleines sont magnifiques. Et cependant elles ne sentent pas bon ! On devrait leur acheter des brosses à dent et du dentifrice !

-          Bonne idée, reprend Kotoko. Mais où trouver des brosses à dent de plusieurs mètres ? Et puis les baleines n’ont pas de mains pour tenir la brosse… Les baleines ne sentent pas bon. C’est ainsi. 

 

Il est maintenant temps de rentrer à Pram-Pram. De gros nuages s’accumulent vers l’est et c’est le signe qu’on orage approche. Il ne fait pas bon être en mer quand le tonnerre gronde. Arrivé près de la plage, Kotoko salue ses petits amis qui font du surf sur de vieilles planches.

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 Il les rejoindrait bien volontiers mais il est déjà tout trempé des embruns sur la pirogue. Que serait-ce sur une planche de surf ! La pêche n’a pas été fructueuse mais Kotoko revient à terre avec une moisson de souvenirs inoubliables. Des baleines ! Et des baleines qui puent ! On ne les sentira jamais devant un écran de télévision !

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Le retour des pirogues à Pram-Pram